
L’Aumône
«
Aumône » est un nom apparu au milieu du Xe s., début du XIe, ce qui permet de
fixer la date des première occupations, le mot n’existant pas en français
auparavant. Aumône vient du latin populaire alemosina = aumône. Dérivé du grec
eleêmosynê = compassion, alemosina aboutit à aumône qui, avec eleêmon =
compatissant, prit en grec chrétien le sens de don généreux fait aux pauvres.
Aumône
peut signifier :
-
un don charitable ;
-
la redevance versée par l’exploitant d’un terrain à l’établissement religieux
propriétaire (cf l’exemple donné dans le dictionnaire d’Ancien français : Fief
lai ou d’aumosne. « Rente perpétuelle, viagère ou momentanée, versée à un
particulier ou à une communauté religieuse »). Ce lieu pouvait donc appartenir
à une paroisse ou à un établissement religieux (1) (2) ;
-
lieu où l’on accueillait le passant pour quelques jours. Les paroisses et les
communautés religieuses comportaient souvent une aumône. Ce dernier sens est
le plus fréquent en toponymie (aumônerie). À défaut de connaître le statut
exact de ce lieudit au Moyen-âge, les deux dernières interprétations restent
possibles.
Le Petit Chambord
(Sur
la carte de Cassini = Chambort). La définition de Chambord donnée par Denis
Jeanson et communément admise est : « n. m. Variante : Chambourd. Gaulois cambo
= courbe et de o-rito = gué ; bas latin camboritum = gué dans la courbe de la
rivière, méandre ».
Cette
explication n’apparaît pas satisfaisante pour notre lieudit de Cheverny. Il se
trouve qu’à la Révolution, l’endroit fut débaptisé et porta le nom de Borchand
ou Bordechamp pendant quelques années. Les révolutionnaires connaissaient apparamment
le « Prégorier ». (3) (4) En effet, s’il n’y a pas de rivière ni de gué au
Petit Chambord de Cheverny, il y a des champs et des bosquets. La solution
nous est donc donnée par le Prégorier ; ce recueil, appelé aussi « Les noms de
lieux en France, glossaire de termes dialectaux » nous apprend tout simplement
que « Chambord » est dans le centre de la France, un synonyme de « Chaintre » qui
est un nom féminin qui signifie « bande de terrain, lisière d’un champ laissé
inculte », également lisière d’un bosquet (employé notamment dans le Vendômois,
le Berry et, encore de nos jours, par nos agriculteurs et viticulteurs).
Cette
explication convient mieux à la topologie des lieux que nous connaissons.
Un
peu d’histoire
Depuis
la fin du XIXe s., l’Aumône et le Petit Chambord sont deux écarts (5) de la
commune de Cheverny qui se touchent et leurs activités furent quasi identiques
jusqu’au début de la seconde moitié du XXe s. C’est en effet après la seconde
guerre mondiale que le hameau de l’Aumône (aujourd’hui composé de huit
habitations nouvelles) se construisit au-delà des bâtiments de la ferme de
l’Aumône, auparavant exploitée par ses propriétaires et des chefs de cultures.
Il ne s’agissait pas d’une simple closerie mais bien d’une ferme relativement
importante. L’activité agricole a été abandonnée progressivement dans les
années 1950 par les enfants Oliveras.
Par
contre, les propriétaires successifs du Petit Chambord ont conservé les
bâtiments d’habitation principaux et aménagé et agrandi le chais, poursuivant
et développant l’activité viticole. Une partie des vignes exploitées borde le
parc du château de Cheverny et entoure l’Aumône. La plus ancienne maison a été
vendue par Madeleine, fille de Raymond Cazin (cf. acte de partage de 1924) à
son actuel propriétaire.
Le
hameau de l’Aumône est donc aujourd’hui entouré de vignes, de prés (parc à
moutons) et de friches, ces dernières appartenant aux propriétaires de
l’ancienne ferme (partie subsistante non habitée). Les autres bâtiments de la
ferme sont, eux, divisés en trois habitations distinctes, portant le nombre
total de foyers du hameau, avec les nouvelles constructions, à onze.
Selon
les procès verbaux de recencements En 1896, l’Aumône, était habitée par quatre
familles : celles d’Henri Guillon, propriétaire, d’Armand Patureau, vigneron,
de Sylvain Grémillon, journalier et de Louis Picard, chef de culture. En tout
12 personnes (Pascal Cazin est aussi propriétaire d’une partie du domaine mais
demeure au Petit Chambord).
En
1901 nous retrouvons Henri Guillon, patron, Louis Picard, chef, qui travaille
pour M. Cazin (du Petit Chambord) et Sylvain Bailly, chef, qui travaille pour
M. Guillon. En 1906, Henri Guillon est mentionné comme « agriculteur et patron
» et son fils François l’a rejoint.
Henri
Guillon était marié avec Léontine Guerrier dont le père était vigneron à
l’Aumône en 1874 et 1876 (cf. recensement et liste des votants à Cheverny). En
1894, Henri rachète la part de sa soeur Marie, et son fils, François Guillon
qui lui succéda, rachète beaucoup plus tard, aux consorts Drucy qui en étaient
propriétaires, le droit au pressoir se trouvant dans la ferme (acte de maître
Liège, notaire, en date du 21 août 1934). De son côté, Pascal Cazin, également
propriétaire, donne une partie de la closerie de l’Aumône avec quelques terres
du Petit Chambord à sa dernière fille Laurentine (madame Oliveras dans l’acte
de donation partage anticipé du 11 avril 1924 par maître Huet, notaire à
Cour-Cheverny) (6). Laurentine Cazin était en effet mariée avec Jacques
Oliveras ; ils eurent 5 enfants, dont Jeanne, l’actuelle propriétaire de la
partie de l’ancienne ferme non habitée.
Le Petit Chambord : la saga de la famille Cazin
En
1886, les familles Toyer et Sommier logent au Petit Chambord et Louis Pascal Cazin
rejoint sa belle-famille en y faisant construire une nouvelle maison dans
laquelle il s’installe avec son épouse Claude Julie Sommier dont il aura quatre
enfants (dont Laurentine, future propriétaire de l’Aumône). Né le 23 mars 1856,
iI fut maire de Cheverny de 1904 à 1919. Il était la 4e génération de vignerons
dans la famille (le premier au Petit Chambord). Il y eut, avant lui : Jacques
(1745-1799), Michel René (surnommé Henri, 1797-1855) et Michel Pierre
(1819-1885). Au Petit Chambord se sont ensuite succédés, comme vignerons :
Edgard (dont le premier nom était Lucien, né en 1901) et Bernard, père de
François Cazin qui exploite en ce début du XXIe s. les 23 hectares du domaine
viticole familial.
Tout
comme les vins des deux AOC du territoire qui sont maintenant reconnus et
appréciés, François Cazin a été élu « Vigneron de l’année » dans le guide
Hachette 2020 (Vallée de la Loire). Félicitations à l’heureux élu.
F.P.
(1)
Denis Jeanson : Dictionnaire topographique Centre-Val de Loire – toponymie.
Jean-Marie
Cassagne : Origine des noms de villes et villages - Loir-et-Cher.
(2)
http://atilf.fr/dmf/ Taper « fief » dans le DMF
(3)
[PDF] Les noms de lieux en France - Education IGN - Lien
internet : http//education.ign.fr/sites/all/files/glossaire_noms_lieux.pdf
(4)
Denis Jeanson : Chaintre : n. f. XIIIe s. vient du latin impérial = limite de
champ, de bois : une lisière ou chaintre de bois taillis (A.N.-X1B 9674-21 août
1764 ; acte Enou-Fondettes, 10 mai 1828).
(5)
Écart : hameau éloigné du centre bourg.
(6)
AD 41 128 Q 220.
La Grenouille n°46 – Janvier 2020
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