Mon ami le Héron, intrigué, a voulu savoir pourquoi cette
briqueterie était appelée auparavant « tuilerie Laleu » (nom du propriétaire ?
nom ancien du lieu ?) et voici ce qu’il a découvert : aujourd’hui cet endroit
est cadastré Le Carroir Est mais si l’on remonte le temps, la carte de Cassini (début
du XVIIIe s.) mentionne Lallay (situé au nord-est du Carroir) et sur le
cadastre Napoléon de 1813, et celui de 1953, Lallay devient Laleu.
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Cadastre Napoléon (1813). La Tuilerie, construite la même année ne figure pas encore, mais seulement la ferme sur laquelle elle s'appuie (cliquez sur l'image pour l'agrandir) |
Voici donc l’explication
de ce nom donné à la briqueterie (nom du lieu, donc). Mais quel est l’origine
de laleu ? Il s’agit (comme Lallay) d’une variante d’Alleu, terme de droit
féodal (XIIe s.), qui vient du francique alod = propriété intégrale. Bas latin
alodis dans la Loi salique, puis allodium qui, dès le VIe s., prit le sens de
propriété patrimoniale, domaine ou ensemble des terres que possède un
propriétaire, puis au Xe s., exploitation agricole, synonyme de villa, de
curtis. Dans le droit coutumier du Val de Loire, l’alleu désigne un bien
héréditaire, possédé en toute souveraineté, exempt de droits féodaux ; il s’oppose
au fief, à l’origine un bien viager concédé par le seigneur à charge de foi et
hommage, et à la tenure.
Comme l’article se souda fréquemment avec la première
syllabe, cette nouvelle première syllabe fut prise pour l’article féminin « la
» et se sépara de leu ; d’où à la place de l’alleu, les graphies : la leu,
laleu et même la laie ! (1) Quand à Carroir, ce nom vient de Carroi (XIIe s.) qui signifie
carrefour, place publique (du latin classique quadruvium « lieu où aboutissent quatre
chemins »).
Mais revenons à la tuilerie Laleu. C’est vers le milieu du XIXe s.
que les briqueteries-tuileries se multiplient en Sologne : il y en avait une
dans la plupart des villages (Cheverny a eu la sienne). C’est le développement,
à cette époque, du boisement de la Sologne (au sol naturel argilosableux) en
résineux et l’abondance du bois de dépressage, fournissant un combustible peu coûteux
et en grande quantité, qui a permis ce développement.
Les briqueteries étaient
presque toutes constituées de petits établissements couplés avec une
exploitation agricole. Il s’agissait d’une activité complémentaire et
saisonnière (pas plus de 5 à 6 cuissons par an dans des périodes où les travaux
des champs pressaient peu).
De la soixantaine de briqueteries-tuileries
artisanales encore existantes au début du XXe s. dans la région, il ne reste
que quelques vestiges, dont le Four de la tuilerie Laleu qu’il est urgent et
nécessaire de restaurer pour éviter sa disparition.
Quelques sites internet
donnent d’intéressantes précisions sur l’histoire de ces briqueteries de
Sologne (2,3 et 4). N’hésitez pas à les consulter.
Le Héron - La Grenouille n° 23 Avril 2014
(1) CNRTL : Centre National de
Ressources Textuelles et Lexicales
(2) http://vie.dargile.perso.infonie.fr
(Tuileries Briqueterie du Loiret)
(4) www.grahs.1901.org/spip.php?article346
(Groupe de Recherches Archéologiques et historiques de Sologne)
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