Ces maisons qui ont un nom

Passant tous les jours devant la maison de retraite de Cour-Cheverny, je me demandais d’où venait le nom de cette propriété et de son petit château : La Favorite. J’interrogeais donc mon ami Le Héron sur ce qui m’apparaissait comme un mystère.
Ce dernier me répondit : 

« Facile ! Cette propriété fait partie de la catégorie des châteaux et maisons d’agrément ou de plaisance, construits ou aménagés et rebaptisés, au XIXe siècle. L’époque était en pleine mutation économique et l’on voit fleurir les résidences secondaires, signe d’une nouvelle richesse. Certaines évoquent le repos et la paix comme le château de Soucy n’y a, aux Cabossières à Cheverny, d’autres, le rêve, ou le plaisir comme La Favorite ». 

La Favorite, Beaumont, 
Belle Vue, Pont de l'enfer
"Mais, poursuit-il, cette mode avait eu un précédent : à partir du XVIème siècle se sont en effet multipliées les constructions de châteaux ou propriétés d’agrément, généralement construites par des propriétaires issus de la noblesse, et auxquelles étaient donnés des noms avantageux, évoquant souvent une situation : Bellevue, Beaumont (dans la vallée du Conon à Cour-Cheverny), Bel-Air (à Cheverny, près de l’Aumône et du Bois de l’Houye). 




On retrouve parfois ces mêmes toponymes en Bretagne, notamment dans la presqu’île de Rhuys, importés par la noblesse française au XVIème siècle (Le nom de Beauregard, dans la presqu’île, est en effet cité comme étant un manoir noble en 1540 (1), (3)

Bel Air, Soucy-n'y-a 
Cependant, pour être complet, il convient de signaler que d’autres origines sont possibles pour certains de ces noms : ainsi, pour Beaumont, (endroit où l’on a une belle vue), littéralement du latin bellus mons : belle colline, le terme bellus pouvait, au Moyen-âge, être pris dans le sens «endroit d’où l’on a une vue dégagée, permettant de déceler l’approche d’un éventuel ennemi», et non dans son sens premier. De même Bel-Air peut, dans certains cas, représenter une corruption de Bel Herm qui signifiait au Moyen-âge «lande, terre où rien ne pousse», du latin «eremus = désert (2), (3). Or, à cette époque, la majorité des terres aux alentours de Cheverny étaient constituées de landes incultes et en friche, toujours dans le même état au début du XIXèmeiècle (cf. l’ouvrage du Marquis de Vibraye : « La terre de Cheverny (L&C) ses améliorations de 1829 à 1866 », paru en 1866). 

Comme vous le voyez, chers amis lecteurs, la « mode » des Mon rêve…Mon repos…ne date pas d’aujourd’hui et remonte à des temps très anciens. Au fait, j’allais oublier, avant de vous quitter, de vous donner la réponse à la question posée dans le précédent numéro et concernant l’Enfer(t) disparu de Cour-Cheverny. Cet endroit se situe aujourd’hui dans le bourg, rue Denet, entre la rivière le Conon et la rue Carroir et peut être également entre la rivière et la rue Nationale, (lieudit bien visible, tant sur la carte d’État-major de 1804, que sur le cadastre Napoléon de 1831). À noter que, dans une délibération du Conseil municipal de Cour-Cheverny, il est mentionné en août 1892 : « Substitution d’un tablier métallique à la voûte en maçonnerie du pont de l’Enfer sur le Conon...» Cette zone étant, dans un passé pas encore si lointain inondable, incultivable.et difficile d’accès. Dans cas, le nom viendrait bien du latin «infernus» = qui est en bas (au pied du coteau). 

(1) Gildas Bernier : «La Toponymie de la Presqu’île de Rhuis» 
(2) Stéphane Gendron : «Noms de lieux du Centre» 
(3) Jean Marie Cassagne : «Origine des noms de villes et villages»

Le Héron - La Grenouille n° 13 - octobre 2011

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