Passez votre chemin, sous peine de rencontrer le Diable !

Ma dernière promenade fût nocturne ; je voulais en effet rencontrer l’une de ces sorcières qui, selon les anciennes croyances, fréquentaient “les quatre chemins”. Existaient-elles vraiment ?
Un samedi donc, et par une belle soirée de pleine lune, je me rendis au lieu-dit “Carroir”, commune de Cheverny, endroit où aboutissent quatre routes – appelé aussi “Carroy” du Latin classique “quadruvium” – et qui se trouve à 300 ou 400 m de “La Croix de l’Ormeau”
près de la route qui va de Cour-Cheverny à Fougères-sur-Bièvre. 

Croix de l'Ormeau (Cheverny)
L'Enfer - Les Crépeaux  (Cour-Cheverny)
Mon grand père, qui demeure aux “Crepaux”, près de “l’Enfer”, commune de Cour-Cheverny (probable déformation de “Crepiaus”, en vieux français : “crapaud” qui s’écrivait aussi “crapot”, “crapous”…) m’avait confirmé qu’en Sologne, dans des temps très anciens, le Diable et les sorciers étaient très présents dans la vie des habitants et que c’était précisément à ces carrefours que les sorcières tenaient leur réunions sataniques ou sabbats, le samedi à minuit. 


Elles y venaient munies d’une poule noire - qui symbolisait en Sologne l’incarnation de Satan - afin de prononcer une conjuration (adjuration, formule magique - en latin médiéval) diabolique ; la poule noire était sacrifiée et son sang versé dans un trou où elle était ensuite enterrée. Neuf jours plus tard, la sorcière retournait au “carrefour du diable” afin de rencontrer le démon ou son suppôt avec lequel elle signait un pacte de son sang ; la sorcière recevait alors de l’argent et/ou une poule noire (1). 

Louis de La Saussaye rapporte dans son “journal historique et archéologique de la Sologne” que les paysans, encore à son époque, évitaient, la nuit, de passer par ces carrefours “où un honnête homme ne voudrait pas être aperçu vers minuit” - d’où, selon lui, l’origine du proverbe “ je ne vais pas par quatre chemins” qui voulait dire : “je ne suis pas un homme de mauvaise réputation” (2).

Toujours dans la croyance populaire, le “carroi (r)“ était aussi un endroit où “l’on voit”. Des lieux de cultes gaulois rendus aux arbres, rochers, sources ou collines, se sont maintenus sous-jacents dans les campagnes, avec leur tissu de croyances et de légendes, bien après la conquête romaine, puis ensuite l’introduction du christianisme. 

La Croix de l'Ormeau
à Cheverny
Ainsi des constructions ont été édifiées à l’époque gallo-romaine en y incluant des fontaines, et le christianisme a sanctifié de nombreux lieux de culte celtique. La “Croix de l’Ormeau” était l’un de ces lieux de culte où l’orme qui s’y trouvait avait été sanctifié en plaçant une croix à proximité ; c’était aussi un endroit où les paysans disaient “On y voit”

Louis de la Saussaye relate dans son ouvrage, à propos de la Croix de l’Ormeau, la mésaventure d’un chasseur qui, n’étant pas allé à la messe le jour de Pâques, tira un lièvre et, allant pour le ramasser, ne trouva plus qu’une flamme à la place ! Faut-il donc croire aux sorcières ? car cette nuit là, et malgré l’excellente visibilité que me procurait la pleine lune, je n’en vis point, et c’est un peu déçue, je l’avoue que je rentrai chez moi. Vous pouvez bien sûr profiter comme moi de nos belles soirée d’été, si le coeur ou la curiosité vous y pousse et, dans ce cas, bonne chasse … 

(1) Selon Pierre MARECHAL dans « Légendes et vieux métiers de Beauce et de Sologne » (C.L.D.) 
(2) De nos jours cette expression a une signification différente et qualifie une personne qui va droit au but. 

Le Héron - La Grenouille n°4 - Juillet 2009

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