"Les Veaux" ou "Les Vaulx" ?

À l’occasion du réveillon du jour de l’An, passé avec mes amis, ces derniers me firent part de ce que, lors du conseil municipal de Cour-Cheverny qui s’est tenu le 14 novembre 2011, l’orthographe définitive de la rue des Veaux (située à l’Ardoise), au lieu de Vaux (ou Vaulx ?),  avait été entérinée. 
Sachant que j’étais friande de ce genre de recherche, ils m’ont donc demandé de les éclairer sur l’histoire de la rue des Veaux, l’origine du mot et l’explication du choix du conseil municipal, ce que je fis. 
Je vous avoue que, personnellement, passant rarement à cet endroit, j’en suis restée à l’orthographe de la carte IGN, que je consulte souvent, et sur laquelle figure le lieudit les Vaulx et la rue du Clos des Vaulx, et il me fallait donc consulter les cartes plus anciennes et ma bibliothèque (toujours verte, eh oui !). 
Voici le résultat de mes recherches : 

1 - Sur l’origine : J’ai évoqué, dans le n° 8 de La Grenouille de juillet 2010, le sieur de Bombelle et sa propriété de Lavau à Cour-Cheverny en vous expliquant que Lavau venait de val (vallée). L’emploi du mot français vallée, est, en effet, relativement récent et les anciens utilisaient plutôt le terme val ou sa forme vocalisée vau (du latin vallis = vallée) que l’on rencontre très fréquemment en toponymie. Pour la majorité des auteurs, veau ne serait que le résultat d’une transcription maladroite : on peut citer comme exemple le village de Bonneveau, dans le Loir-et-Cher, qui s’appelait.Bonneval au XIIIe siècle (le substantif val pouvant être masculin ou féminin en ancien français). Peut-on cependant exclure une autre origine pour veau ? Jean-Louis Beaucarnot, précise dans l’un de ses ouvrages 1-2 que veau, pour les patronymes, peut provenir, comme taureau ou boeuf et leurs dérivés (Thorel, Thoreau ou Leboeuf, Bouvet...) des métiers qui s’organisaient autour des bovins et qui se retrouvaient dans les surnoms, l’animal lui même par différentes analogies ayant donné ces noms. Dans ce cas, veau pourrait être le patronyme du premier habitant des lieux, et le visiteur se rendait alors chez « les Veaux ». Beaucarnot n’exclut pas, cependant, l’origine val/vau. À ce stade, il est difficile de trancher pour une thèse plutôt qu’une autre et le mystère demeure. 

2 - Sur l’orthographe du nom : J’ai découvert que la carte d’État major de 1804 et le cadastre Napoléon de 1831 orthographiaient ce lieudit «les Veaux». C’est le constat fait par les conseillers municipaux de Cour-Cheverny - mais j’ai constaté par contre que sur la carte de Cassini (fin du 17ème, début du 18ème siècle) que j’ai aussi consultée, les Veaux ne figurent pas ! Ce lieudit n’existait-il pas encore à cette époque ? Ou n’était-il pas suffisamment important ? (pourtant la carte de Cassini mentionne 90 % des toponymes encore existants de nos jours). 
Poursuivant mes recherches et remontant dans le temps, j’ai alors consulté une édition de 1830 des mémoires de Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon. Dans cette édition, l’arrière petit fils de Jacques-François Johanne de la Carre, Marquis de Saumery, contemporain, à l’époque, du duc de Saint-Simon (fin du 17ème siècle), a fait insérer par l’éditeur, une note pour s’indigner du portrait peu flatteur de ce dernier dressé par Saint-Simon, portrait qui mettait également en doute ses origines nobles. Dans cette note, il explique notamment que la maison de Johanne de la Carre de Saumery est originaire de Béarn et que le seul des seigneurs de Johanne qui quitta le Bearn fût Arnault II, le bisaïeul du Marquis de Saumery qui fut appelé très jeune, en 1579, par son oncle l’Abbé de la Carre «résidant en sa terre des veaux, paroisse de Cour-Cheverny, non loin du château de Saumery». L’Abbé de la Carre avait acheté les veaux à Antoine de Laudière, gentilhomme de la Maison du Roi et acquit le 13 avril 1583 la seigneurie de Saumery qu’il laissa à son neveu Arnault qui devint Seigneur de Saumery et ajouta à son propre nom celui de la Carre. 

Ainsi, chers amis, le mystère de la rue des veaux est en partie levé, l’orthographe adoptée par le conseil municipal est le choix des temps anciens et de la raison, mais nous ne saurons jamais si le toponyme veaux, n’est pas une déformation de vaux /val.


Sources
1 - Stéphane Gendron « Noms de lieux du Centre »
2 - J.-L Beaucarnot « Les noms de familles et leurs secrets».


Le Héron - La Grenouille n° 14 - Janvier 2012

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