Sérigny ou le Rouvre ? (commune de Cour-Cheverny)

La visite des greniers de nos mairies ne m’a pas fait oublier notre campagne. Lors d’une promenade du côté de Sérigny, je remarquai ce très vieux et imposant chêne
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se dressant au milieu d’un pré (sur la droite, en vue de la route qui mène de Cour-Cheverny aux Péraudières - après « la Gaudinière »). Intriguée par la dimension inhabituelle de son tronc, je demandai à mon ami le Héron de se renseigner et voici le résultat de ses recherches : « Curieux chemin », me dit-il, «que celui parcouru par les appellations de ces deux lieuxdits : le Rouvre (où se trouve le chêne), et au sud, Sérigny » : l’ancien domaine de Serigny ou Sevigny (mentionné comme seigneurie en 1580) s’est divisé en deux parties : Sévigny au nord (où se trouve le chêne) et le Petit Sévigny au sud (carte de Cassini - début XVIIIe s.) 

Ensuite, Sévigny devient le Grand Sérigny et le Petit Sévigny devient le Petit Sérigny (carte d’état major de 1804, cadastre Napoléon de 1813, cadastre de 1953). Sur le cadastre actuel et la carte IGN, le Grand Sérigny est devenu le Rouvre, et le Petit Sérigny est devenu Sérigny tout court. Ces changements de nom sont donc très récents. 
Pourquoi Sérigny ? Comment expliquer ces dernières transformations ? par simplification, peut-être pour éviter la confusion entre le grand et le petit Sérigny, sachant que le château de Sérigny actuel a été construit vers les années 1870 -1880 sur le territoire du Petit Sérigny (aujourd’hui Sérigny) et que les bâtiments du Grand Sérigny, (aujourd’hui le Rouvre) ont abrité les communs du château (ou ferme) jusque dans la première moitié du XXe s. (aujourdhui transformés en maisons d’habitation). 
Serigny viendrait, selon Denis Jeanson, du bas latin Sereniacus (propriétaire gallo-Romain)... Gentilicé (nom d’homme) Serenus et suffixe acus. Pourquoi le Rouvre ? La présence de ce chêne séculaire à cet endroit n’est pas étrangère à ce choix : cet arbre, âgé de près de 500 ans et dont le tronc mesure aujourd’hui entre 9 et 10 mètres de circonférence, a été planté sous l’heureuse époque de Sully, ministre d’Henri IV (qui avait fait planter des chênes aux croisements des chemins partout en France).* Il s’agit d’un chêne « sessile » aussi appelé « Rouvre » (n. m. 1202. Variante : Robe, Robure, Roure, Rouve, Rouze, Rove. Latin populaire roborem, dérivé du latin classique neutre robur = chêne très dur). 

« Ce chêne fut l’objet d’un culte chez les gallo-romains. Robur devint robrum en latin carolingien, qui aboutit régulièrement à roure en 1202, puis robre au XVe s., transcrit rouvre en 1505. Les Romains avaient déjà apparenté robur = chêne, nom, et robus = rouge, chêne des forêts plutôt sèches, à feuilles pétiolées et glands sessiles. » 
Cette variété de chêne a, de tout temps, été utilisée pour la qualité de son bois dur et dense qui prend une grande valeur lorsqu’il est produit par des chênes de futaie : il est alors très recherché pour l’ébénisterie et la fabrication de merrains pour la tonnellerie. Mais à l’époque de Sully, la plantation de ce type de chêne au croisement des chemins avait aussi un but alimentaire. Si Ies glands constituaient une nourriture naturelle pour les cochons, ils étaient aussi utilisés par l’homme (depuis des millénaires et toujours en période de disette), pour sa nourriture : les glands torréfiés constituaient, en effet, un succédané du café, et la farine de glands écorcés, broyés et cuits à plusieurs eaux donnait une purée qui pouvait s’utiliser en plat salé ou dessert sucré, ou être séchée et moulue pour donner une farine qui se conservait. 
Ainsi le bon roi Henri IV (et son ministre) se préoccupait-il du bien être de ses sujets. Les propriétaires actuels des lieux ont conscience d’être les gardiens d’un « monument historique » naturel et veillent à son entretien. Qu’ils en soient remerciés. 


Le Héron - La Grenouille n°21 Octobre 2013

* Pour plus d’informations, tapez « chêne de sully » sur un moteur de recherche d’Internet. 

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