Bois de l'Ouye


L’Ouye… l’ouïe…et l’oie

Alors que nous évoquions ensemble la prochaine enquête, mon ami le Héron me demanda si je connaissais
le nombre de toponymes évoqués dans les 15 enquêtes déjà parues et, devant mon ignorance, il m’annonça fièrement : 30, dont 11 pour la commune de Cheverny et 19 pour Cour-Cheverny…Heureusement il en reste lui répondis-je…Oui et certains pas toujours simples à expliquer. Ainsi en va-t-il du lieudit «l’Ouye » (sur la carte d’état major et le cadastre) et actuellement «Le bois de l’Ouye»situé sur la route entre Cheverny et Cellettes, après la Croix de l’Ormeau. 
Pour bien comprendre les explications qui vont suivre, il faut savoir que «Ouye»se prononce «wi»…et non «ouille». Ce mot vient de l’ancien français et dans le dictionnaire Godefroy, «ouye» renvoit au mot oie qui pouvait aussi s’écrire oye, oe, oue et donc ouye, et qui était utilisé, au Moyen-Âge, dans les sens suivants : action d’entendre, oreille (à partir du 12e s. par métonymie). Il convient de rapprocher ce mot de ouïe (orthographe plus récente) qui vient aussi de l’ancien français «ouye «(Trésors de la langue française CNTRL qui rapporte un exemple littéraire : «à louye de ...», 1543, G. de Selve, «Huit vies de Plutarque», Coriolan). Ainsi la boucle étant bouclée, l’Ouye pouvait désigner, au figuré, celui qui entend, qui écoute tout, ou, à contrario, celui qui est sourd, qui n’entend pas. Mais l’affaire n’est pas si simple car dans le complément du dictionnaire Godefroy apparaît oie (forme moderne à partir du 12e s. par incorporation du i [o(i)e]) qui s’écrivait aussi, nous l’avons vu, oe, oue, ouye, dans le sens, cette fois ci, de : oiseau palmipède de la famille des canards.
C’est l’animal que nous connaissons tous et qui pourrait aussi être l’acteur de notre lieudit, au sens propre, comme aussi, par métaphore, dans le sens de : bête, imbécile… surnom donné à l’habitant des lieux.
Alors, pour laquelle de ces significations pencherez- vous ? Je vous avoue que je n’ai pas trouvé la solution en écoutant l’histoire racontée par Raymond Devos que certains connaissent peut-être et qui, je pense, trouve sa place ici. Jugez en : 


«J’ai ouï dire... le verbe ouïr, au présent, ça fait : J’ois, tu ois, il oit… Oyons-nous ? Vous oyez... Ils oient. C’est bête! L’oie oit. Elle oit, l’oie ! Ce que nous oyons, l’oie l’oit-elle ? Si au lieu de dire «l’oreille», on dit «l’ouïe », alors : L’ouïe de l’oie a ouï. Pour peu que l’oie appartienne à Louis, alors là !.. L’ouïe de l’oie de Louis a ouï. Ah oui ? Et qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis ? - Elle a ouï ce que toute oie oit... Et qu’oit toute oie ? Toute oie oit, quand  mon chien aboie le soir au fond des bois – ouah ! ouah ! qu’elle oit, l’oie !... Au passé, ça fait J’ouïs… Jouis ? Il n’y a vraiment pas de quoi ! «(tiré de Raymond Devos «Matière à rire «Olivier Orban - 1991). Raymond Devos connaissait-il le lien entre ouïr et oie en «vieux françois «? Je n’ai pas la réponse mais je vous invite à le revoir, pour ceux qui ont accès à internet, en cliquant sur ce lien «ouï dire Raymond Devos ».


Le Héron - La Grenouille n° 16 – Juillet 2012




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