"Gallerie" à Cour-Cheverny

Les fidèles lecteurs de La Grenouille deviennent aussi des colla­borateurs du journal. Voici un extrait du courrier reçu de Jacques Lièvre qui habite « Gallerie » à Cour-Cheverny :

Les Recherches

« Habitant à Gallerie depuis plus de trente ans, je me suis intéressé à l’histoire de ce lieu. L’oeil du passant est particulièrement attiré par la tour ancienne se trouvant sur la propriété voisine de notre maison.

Voici les quelques découvertes que j’ai faites en consultant des actes notariés anciens :
Le hameau constituait un enclos, une closerie, comme il en existait beaucoup sur Cour-Cheverny et Cheverny, et notre maison, qui fut autrefois le logement du closier, comportait au début du XIXe siècle (acte notarié de 1824) deux petites tourelles couvertes en ardoises, l’une « formant cabinet », l’autre « dans laquelle est un cénacle »

Ces deux tourelles figurent sur le plan cadastral napoléonien. Que dési­gnait-on par « cénacle » à Cour-Cheverny ? Serait-ce un lieu où l’on conservait du vin, où un lieu où l’on se réunissait ? Mais cette tourelle était exigüe. Cette appellation vient-elle de « cercle » (synonyme) ?

La tour est un ancien pigeonnier ou colombier ; elle semble avoir été couverte d’un toit à une seule pente et non d’un toit en poi­vrière : on aperçoit toujours le larmier.
Plan cadastral napoléonien

Un acte notarié de 1874 précise qu’à Gallerie se trou­vaient « un bâti­ment… appelé la chapelle, servant de grange, un ter­rain… appelé le cimetière » : ceux-ci étaient situés à proximité de la haute maison, derrière la maison du closier. En ce qui concerne l’exis­tence d’une chapelle et d’un cimetière, il était assez fréquent que le sei­gneur féodal possède dans l’enceinte de son fief une chapelle se reliant au logis par une galerie, un porche, un passage (cf dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle par Viollet le Duc).
En regardant de la route de Gallerie cette haute maison, on peut consta­ter que celle-ci est très ancienne car elle correspond assez bien à un corps de logis du Moyen-âge bâti sur un parallélogramme, des pignons étant élevés sur les deux petits côtés opposés, selon le dictionnaire de Viollet le Duc sus-cité. Le mur pignon côté ouest a conservé une caractéristique ancienne avec son arête en pierres débordant sur le toit.

Au cours de mes recherches j’ai eu l’occasion de contacter un historien et Philippe Grumeau-Thénot qui mène des recherches sur Bracieux et ses environs. Selon eux, Gallerie constituait au Moyen-âge un fief relevant directement du Comté de Blois puis du Domaine royal. L’on trouve trace d’une Ysabeau de Galeri qui fait aveu au comte de Blois en juillet 1315 de la châtellenie de Bracieux. Un certain Joffroi de Galeri, seigneur de Bracieux en 1315, fait aveu de la haute et basse justice de la ville de Bracieux. En 1323 ou 1328, les seigneurs de Galeri ont vendu la terre de Bracieux au comte de Blois. En 1343, l’on trouve trace d’aveu par Jehanne de Gallery puis, dix ans plus tard, c’est Ysabeau de Gallery, veuve de Jehan Regnard, qui fait aveu au comte de Blois.

Maison seigneuriale
En 1354 et 1386, Ysabeau la Renarde (ou la Regnarde), dame de Gallery, est donnée comme vassale du seigneur de Conon pour « l’habergement de Gallery comme il se poursuit : colombier, bois, verger, ouches etc… ». Le colombier existait donc à cette époque.
Au XVe siècle, la famille de Fontenille est propriétaire. En 1574, Gilles de la Chesnaye est propriétaire et, en 1593, celui-ci écuyer, signe le bail d’une closerie dépendant du lieu seigneurial de Gallery. Il est chevalier de l’Ordre du Roi, seigneur des Pins en Sologne, époux de Madeleine Granger. Gallerie a été la propriété de Louis Pelluys, sieur de Gallery, commissaire extraordinaire des guerres ayant épousé Marguerite Chartier qui décède le 24 décembre 1715. Gallerie devint ensuite la propriété de Françoise Pelluys épouse de Louis Texier.

L'ancien pigeonnier
Selon des actes notariés, la closerie de Gallerie fut vendue par Louis Texier, sieur de Gallery, au XVIIIe siècle à Joseph Leconte de Roujou, puis dévolue ensuite par héritage à Louis Lauverjat de Gallery qui la vendit à son tour, en la morcelant, au cours de la première moitié du XIXe siècle.

Jacques Lièvre


L’origine du nom

Concernant l’origine du toponyme « Galerie » (ou gallerie), la première qui vient à l’esprit est celle d’un nom français du XIVe s. d’origine italienne galleria = porche d’église, qui prend à la fin du XVIe s. la signi­fication de lieu de passage ménagé à l’intérieur ou à l’extérieur d’un édifice ou d’une salle. Cette origine ne correspond cependant pas au lieu. Une seconde origine possible (selon Denis Jeanson) : ancienne métairie ou gaignerie (gagnerie) dont Galerie (ou gallerie) serait une variante. Cette origine pourrait correspondre aux recherches effectuées par Jacques Lièvre concernant la description des lieux, leur usage et leur histoire. Gagnerie est un nom féminin du XIIe s. qui vient de l’ancien français gagner = cultiver. À l’origine, il s’agissait d’une exploitation agricole faisant partie de la réserve du propriétaire dans l’organisa­tion de la terre seigneuriale. La gagnerie féodale devint souvent une exploitation agricole indépendante dès le XIIIe s. Il existe une troisième possibilité qui est celle du nom du fondateur ou premier propriétaire des lieux (époque Gallo-romaine et gauloise) avec le suffixe « acum » qui donnera la terminaison « y » ou « ay » suivant les régions. Dans le cas d’espèce : Galérius, Galerii, Galeriacum, Gallery (orthographe du nom tel qu’il figure sur la carte de Cassini (XVIIIe s.).

Sources : Denis Jeanson, Philippe Grumeau-Thenot (sus-cité par Jacques Lièvre), le dic­tionnaire «Trésors de la langue française » (TLF) et le dictionnaire de l’ancien français Godefroy.

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Le Héron - La Grenouille n°32 - Juillet 2016

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