Lieudit "Le Lut" à Cheverny
L’un des sens de ce
substantif masculin (s.m.) peut nous aider à trouver l’origine du nom. Il
existait au Moyen-âge au moins deux significations.
Pour tous les dictionnaires anciens (le Gaffiot latin-français, le Godefroy de « l’Ancienne langue française et de tous ses dialectes - IXe au XIVe s., etc. ») et les dictionnaires contemporains, ce terme (en français) est d’origine latine. Lut vient de lutum = boue, limon et, pour Gaffiot : fange, vase. Par ailleurs, le complément du dictionnaire Godefroy précise : Lut, s.m., enduit tenace qui sert à boucher un vase. Cette dernière définition se rapproche de la définition moderne adoptée par les dictionnaires de l’Académie française et par le CNRTL (1). De fait, à Cheverny, il s’agit effectivement d’un endroit qui a été humide et boueux car recevant par ruissellement les eaux de pluie provenant des terres qui se trouvent sur une partie plus haute et cultivées (actuellement) par la ferme des Coudas (GAEC Hermelin frères). Cette situation a d’ailleurs nécessité le creusement d’un très grand fossé chargé de drainer les eaux de ruissellement qui, longeant le domaine du Petit Chambord, passe sous la route des Coudas (frontière entre les communes de Cheverny et Cour-Cheverny) pour se jeter ensuite dans la rivière Le Conon. Les riverains appellent ce grand fossé « le canal ».
Autre hypothèse
Comme il existe aussi des
personnes qui portent le nom de Lut, ce pourrait être le nom du premier
propriétaire de la terre, mais alors on dirait plutôt (comme au Moyen-âge) «
les Luts » (on va chez les…). Si le dictionnaire latin-français de Gaffiot ne donne
que la première définition (boue), le dictionnaire Godefroy donne deux
définitions : - Lut : s. m., sorte de bois. - Lut, Luct : s. m., boue, terre à
potier. La première définition du dictionnaire Godefroy (sorte de bois)
interpelle. Au Moyen-âge, on écrivait aussi lut avec l’orthographe luth, et l’essence
de bois utilisée pour la fabrication du luth, l’instrument de musique était
soit l’if, soit des bois ondés comme l’érable ou le frêne ondé . On ne peut
donc pas totalement exclure l’existence d’un bois de l’une de ces deux
dernières essences à cet endroit (l’if étant plus une essence de bois du midi
de la France). En conclusion, la nature du sol, compte-tenu de la configuration
des lieux, paraît être la bonne origine de ce nom de lieudit, sans toutefois
exclure totalement la présence à cet endroit d’un bois composé d’arbres des essences
citées ci-dessus. (1) CNRTL : Centre national de ressources
textuelles et lexicales.
Lieudit "L’Ébat" à Cheverny
L’Ébat (Petit et Grand), est
situé sur la commune de Cheverny, sur la route du Bûcher au Prieuré, après La
Cartonnière.
Nom masculin apparu vers 1280.
C’est un déverbal (1) d’ébattre. D’abord lieu de détente et d’amusement, le
Prégorier indique « champs, espace pour se mouvoir
». Au XVe s.,
terme de vénerie : ébat = promenade des chiens de chasse. « Mener les chiens à l’ébat ». « Et soudain
approchaient les pas des valets qui ramenaient les chiens de l’ébat (2) ». Peut aussi désigner un lieu
destiné aux exercices sportifs. Dérivé de s’ébattre, lui-même dérivé de battre.
Sources : Denis Jeanson et
(CNTRL) centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
(1) Déverbal : Nom formé à partir du radical d’un verbe (par exemple «
déviation », de dévier).
(2)
Genevoix, La Dernière
harde,1938, p. 93.
Lieudit "La Cartonnière" à Cheverny
Situé sur la commune de
Cheverny, sur la route du Bûcher, La Cartonnière figure sur la carte de Cassini
au XVIIIe s. La Petite Cartonnière est mentionnée en 1813
sur le cadastre.
Le suffixe « ière » nous indique le nom du premier propriétaire qui s’appelait Carton.
Carton, en ancien français, désigne une mesure pour les volumes (1). C’est aussi un nom de personne d’origine française dès le XIVe s. Le « la » signifie que le nom du lieudit est postérieur au XIe s.,
époque à laquelle on a abandonné l’usage du latin qui n’utilisait pas les
articles le, la. Attention : Ne pas confondre avec Cartonnerie. Nom féminin
apparu au XVIIIe s. : Carton = feuille épaisse et suffixe à valeur collective erie, fabrique de carton. À propos de Carton, Jean-Louis Beaucarnot (2) indique que ce serait un nom de
baptême par contraction d’une variante de charron : Charreton, équivalent de
Carton qui a le sens de charretier (qui pourrait être aussi, avec charron, la
profession exercée par le premier propriétaire). Ce nom est très fréquent dans
le nord de la France et en Belgique. On le trouve aussi au nord de l’Auvergne, et
là il s’agit sans doute du carton, ancienne mesure de capacité (et donc un surnom
donné à celui qui l’utilisait).
(1) Dictionnaire Godefroy de l’Ancien Français. (2) Jean-Louis Beaucarnot : « Les noms de famille en France et leurs
secrets », p. 195.
Lieudit "La Talonnerie" à Cheverny
Situé sur la commune de Cheverny,
le lieudit La Talonnerie se trouve entre le hameau de Lezeau et La Pauvertrie.
Ancienne ferme ou métairie, il
est mentionné comme constituant un hameau sur la carte de Cassini (fin XVIIe et début
du XVIIIe s.). Comme beaucoup de fermes ou métairies comportant de nombreux
bâtiments, plusieurs familles pouvaient y habiter ensemble (cf. L’Aumône dans
le précédent numéro de La Grenouille). Rappelons
que le erie locatif est un suffixe (ajouté aux noms et aux verbes)
qui signifie que le hameau ou même seulement le terrain porte le nom du premier
propriétaire ou occupant, en l’occurence un sieur Talon. Talon, substentif
masculin apparu en 1155 (au XIIe s.), est devenu aussi un nom de personne qui, selon
Geneanet, serait d’origine germanique : talaberht tal = vallée
; berht = brillant, illustre. Talon étant un nom assez répandu
en France, il paraît difficile de savoir si notre Talon de La Talonnerie de
Cheverny était célèbre ou brillant et pourquoi ? Ou né (lui ou ses ancêtres)
dans une vallée (1) ? D’autres sources donnent des explications différentes.
Talon peut aussi être un aphérèse (contraction) de « matalon » qui est un nom méridional, forme familière de Mathurin, ancien
nom de baptême, représentant le nom latin mathurinus, issu
de l’adjectif maturus, sage, prudent. Seraient-ce les qualités prêtées à
l’époque à notre Talon (2) et (3) ?
(1) www.geneanet.org et carte de Cassini
(2) www.filae.com
(3) Jean-Louis Beaucarnot : « Les noms de famille
et leurs secrets ».
Lieudit "Les Robinières" à Cheverny
Ce lieudit situé sur la
commune de Cheverny figure sur la carte de Cassini. Le suffixe « ière » nous
indique le nom du premier propriétaire qui s’appelait Robin (sur l’utilisation
de l’article, voir La Cartonnière).
Robin est un diminutif de Robert
qui est un nom de personne d’origine germanique, Hrodberht (hrod = gloire + berht = brillant). Ce patronyme (qui est un
nom de baptême), est très fréquent dans toute la France (cinquième au rang des
noms) (1). Il existe un rapport avec l’arbuste dénommé robinier
(Robinia pseudoacacia = faux acacia), du fait que l’inventeur de cet arbuste
s’appelait Jean Robin (1550- 1629). Ce botaniste, apothicaire et arboriste des
rois Henri III, Henri IV, et Louis XIII, introduit et sème cet arbre natif
d’Amérique du Nord en 1601 place Dauphine à Paris, avant que ce dernier ne soit
transplanté en 1635 par son fils Vespasien Robin à son emplacement actuel du
Jardin des Plantes. Cet arbre est le plus vieux de son espèce en France.
(1) Source Geneanet et Jean-Louis Beaucarnot : les
noms de famille et leurs secrets.
F. P.
La Grenouille n°48 - septembre 2020